Souvenirs cardiologiques...

Publié le par Mamanie


Le ballon rouge

 


...Je reviens d’un pays imaginaire, assise sur un gros ballon qui me propulse vers les hauteurs… A cheval sur le gros ballon rouge, les jambes pendantes, je suis toute petite et profite avec ravissement de ce jeu qui consiste à se projeter en l'air... Chaque mouvement le fait rebondir plus haut, toujours plus haut, il monte lentement mais sûrement, comme poussé par chaque rebond du ballon, réglé comme le tic tac d'un métronome... Je suis dans du coton, sans bruit... Le temps... Je deviens légère, légère, et le ballon rouge énorme, d'un coup, bat au rythme de mon coeur... Il bat, bat, très fort dans une arythmie intense. Hauts de cœur…

"La V'là", dit une voix lointaine... J'ouvre les yeux et dans la pénombre, allongée sur un lit très dur, je reprends conscience... Ils ont réussi... 

 Je vis ! Des larmes de joie coulent sur mes joues et mouillent le dur oreiller supportant ma tête et mes cheveux éparses et collés. Tout à coup, un rire nerveux que je ne peux réprimer, me secoue doucement...

Quelle heure est-il ? Depuis combien de temps suis-je plongée dans les ténèbres d'un sommeil provoqué ?  

Des mains chaudes tiennent les miennes... Qui est là ? Une blouse bleue en papier, une tête enveloppée d'un chapeau rond, serré par un élastique, un homme pleure doucement...

Allongée, les yeux mi-clos, je ne perçois qu'une faible lumière... Je me sens engoncée dans des draps serrés autour de mon corps. Je respire mal... Une canule double dans le nez… Je respire mal… Je ne sens plus mes jambes... Mes bras sont lourds et ma parole est bredouillante... "Soif... Quelle heure est-il ?"

Qui est là ? Quelle heure est-il ? Une voix que je sens troublée par l'émotion, me répond qu'il est sept heures... Sept heures ? "Du matin ? Du soir ? Je suis vivante ?" "Oui, tu es là, ne t'inquiètes pas, tout a fonctionné..." Je reconnais l'homme, c'est Alain... Il est là, tout près... Et je pleure doucement de le retrouver près de moi... Puis, je prends conscience d'avoir mal... "Là, j'ai mal..." "Oui c'est normal, çà va passer... Vous allez avoir de la morphine..." "Vous avez été courageuse"... 

"Tu parles ! J'ai toujours cru que je ne me réveillerai pas, c'est la plus belle trouille de ma vie, oui !"  Tiens, çà y est, je pense et je râle !

Je suis toute sourde… Je n'entends pas bien… On m’a ôté mes appareils auditifs pour l'opération... Mais je perçois des petits bruits derrière ma tête... "Y a quoi derrière ?" "Tu verrais ! Il y a un panneau plein de cadrans, pour surveiller ton cœur !"

"Monsieur, il faut partir maintenant, laissez-là se reposer..." Et Alain, à regret, lâche mes mains, m'embrasse tendrement et me dit doucement : "A demain"...

Demain, c’est quand demain ? Quelle heure est-il ? S’il vous plaît ?

Je suis en salle de réanimation... Les drains me gênent, j'ai très mal au dos... J'ai mal dans la poitrine, j'ai soif et j'appelle... Je ne suis pas la seule... les blouses blanches s'agitent, passent et repassent, sans répondre à mes appels... J'ai peur.

"Respirez bien, Madame"... Une blouse verte passe près de moi... Quelle différence y a-t-il entre une blouse blanche et une blouse verte ? "Quelle heure est-il ?" Piqûre de morphine.

Les heures, les minutes, les secondes ne comptent plus, je suis suspendue entre le quart d'heure d'avant et l'heure d'après, le temps n'est pas arrêté mais il se bouscule dans ma tête. Depuis quand, me suis-je lavée ? Je sens la bétadine. La transpiration... Hauts de coeur... Mes cheveux sont collants. La canule dans le nez pour l'oxygène me gêne... Du tube de perfusion coule du sang, et trois drains fichés dans mon corps sortent de dessous le drap qui me recouvre. Une blouse blanche vérifie souvent si tout coule normalement.

Elle soulève le drap... J'ai froid, j'ai mal, je tremble, je pleure et je gémis... "J'ai soif" Une blouse verte m'apporte une mixture tiède. Quelle heure est-il ? Quel jour est-on ? J'en ai marre... Piqûre de morphine…

Salle de réanimation… Trois jours, deux jours, un jour ? Je ne sais plus…

Le chirurgien qui m'a opérée vient me rendre visite et m'annonce sans ambages "Tout va bien" me dit-il "l'opération a réussi, vous êtes sortie d'affaire... Vous remontez demain dans votre chambre »…

A suivre…

Annie

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J
J'aime tant te lire Annie même dans des racontages d'histoires aussi difficiles. Oui tu es bien là parmi nous et quel bonheur ! plein de bisous
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T
J'ai l'impression que mon com n'est pas passé! Je reviendrai. Bises
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T
je retrouve l'ambiance de la salle de réveil! les impressions ... quand tu dis "marre", le sva et vient et toi entre deux eaux ... et puis cette envie de vomir que j'ai gardé plusieurs jours. Puis on n'y repense plus ... jusqy'à la fois suivante! Bon courage.
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