Le pot à lait
Ce matin, nettoyant et essuyant un pot à lait, que m'a donné mon voisin, le bruit du capuchon maintenu par sa chaînette cognant contre le flanc du pot, m'a rappelé un souvenir d'enfance.
... Tous les soirs, à la même heure, après la traite, nous allions chercher le lait à la ferme voisine, munies de nos pots à lait en aluminium.
Ce fermier n'avait qu'une vache, mais c'était une très bonne laitière. Elle avait des pis énormes et nous l'entendions dans le champ du bas, appeler la fermière pour la traite... Celle-ci la trayait assise sur un petit banc à trois pieds et rapportait les seaux en équilibre sur son dos, accrochés à chaque bout sur le joug de bois à encoches pour tenir sur les épaules (Merci Papy Jean !).
Pour aller plus vite, nous passions par le champ. Celui-ci était ouvert sur le chemin de la Boisardière et dévalait sur la route, longé par des haies de noisetiers. Nous courions comme des folles, les mollets fouettés par les hautes herbes et les insectes réveillés par nos pas s'envolaient et nous chatouillaient les jambes ce qui provoquait des crises de fou rire un peu nerveux.
Les chaînettes des pots à lait crissaient et les couvercles cognaient joyeusement contre les pots... Arrivées à la ferme, nous donnions nos pots à la fermière qui les remplissaient avec des mesures. "Fermez vos couvercles, disait-elle".
Puis, nous revenions par le même chemin... A cause de notre course effrénée dans les champs, pressées d'entrer à la maison car nous nous faisions des peurs, les pots à lait brinquebalaient, les couvercles sautaient et le lait secoué dans la course s'échappait par les bords. Arrivées à la maison, il manquait du lait dans les pots et nous nous faisions, régulièrement, gronder.
"Mais bon sang, pourquoi, vous ne fermez pas vos pots à lait !" nous disaient nos mères...
On les fermait les pots à lait... Mais le chemin était long pour remonter le champ et entre chien et loup, nous courions très vite et nous n'osions pas dire nos peurs enfantines...